"NEST" comme un graffiti dans l'eau...

Des figures humaines qui deviennent lentement un récif corallien… tel est le pari du sculpteur Jason deCaires Taylor. Peupler les fonds marins, refuges spectaculaires pour la biodiversité, tout en sensibilisant les plongeurs-spectateurs que nous sommes.

D’abord, quand le capitaine de notre petit bateau me dit: come to see the statue! Je me dis ok, on va voir des vieilles statues de bouddha sous l’eau… puis je me dis oups! non, car on est sur une île musulman… alors je ne sais pas… arrivée sur place, je vois une ronde de gens sculptés en paréo et je dis à Zoé, c’est quoi encore cet attrape touriste… et puis je m’approche et je me dis que ça me dit quelque chose… j’ai déjà vu ça quelque part… mais oui! c’est le travail de ce sculpteur qui allie sa passion pour la plongée avec son art! J’ai vu des photos de ce qu’il a fait au Mexique, mais je ne savais pas qu’il avait fait aussi quelque chose à Gili! Trop contente! Je pensais pas qu’un jour je verrais son travail pour de vrai!

Devant moi se dresse un groupe de 48 personnages grandeur nature, certains debout et d’autres recroquevillés sur le sol. Etrange… ils ne paraissent ni vieux, ni d’un autre temps… mais c’est nous? Tout à coup, cette image de notre société actuelle si contrastée dans ce décor silencieux prend tout son sens… Silence ouaté, reflets changeants, eaux clairs, fluidité : la visite de cette installation sous-marine est une expérience sensorielle autant qu'esthétique.

Jason deCaires Taylor en a fait d’autres plus monumentales, aux Antilles, au Mexique et ailleurs encore… Des statues représentant des scènes de notre société en fonction de leur emplacement… des esclaves sur les routes négrières des Antilles par exemple ou encore un gros bonhomme sur son canapé en train de regarder la télé ou encore des hommes qui se mettent la tête dans le sable (ça me fait penser à Bansky mais en sculpture et sous l'eau)… mais ses oeuvres se veulent non seulement porteuses de messages, elles sont aussi des abris pour un écosystème fragilisé. Toutes les sculptures sont savamment placées dans des endroits où la protection de la biodiversité est importante. Moulée avec des composants naturels, ces statues sont des refuges pour coraux, algues et poissons, destinées à disparaître sous les couches naturelles de coraux et autres mousses… mais pour cet artiste venu du street art, c’est bien le but! Que la nature reprenne ses droits…

« Survoler » un parterre de statues, se faufiler entre elles ou les effleurer du bout de la palme est infiniment plus grisant que visiter un musée... l'art sort et se dépoussière, j'adore!

Jason deCaires Taylor est un artiste anglais, passionné de plongée, qui a exercé une foule de petits métiers avant de développer son art : graveur sur pierre, scénographe de con­certs, moniteur de plongée, photographe sous-marin, graffeur... Puis il a risqué le tout pour le tout. Avec l'argent de la vente de sa maison en Angleterre, il finance sa première installation sur l'île de Grenade. Bingo ! Depuis, son carnet de commandes ne désemplit pas.

Peut-être aurons-nous la chance de continuer la visite de son musée sous-marin au Mexique? il paraît qu’il y a des installations spectaculaires là-bas, plusieurs pièces, des centaines de statues… en tout cas on va essayer…

« Nest» est avant tout un espace environnemental. Les figures sont disposées en une formation circulaire comme un écho du cercle de la vie, et elles vont bientôt regorger de vie. Les coraux mous et les éponges devraient s’épanouir rapidement, ouvrant la voie à des coraux durs délicats et à un récif bien établi »

« L’art de rue m’a donné la capacité de penser l’art comme une rencontre fortuite et temporaire (…). De même que le graffiti est effacé du train, de même mes sculptures sont-elles recouvertes par les algues. Les détails et les formes sont perdus à jamais, destinés à n’être rappelés que par des impressions photographiques (…). Depuis mon adolescence de tagueur, j’ai toujours connu la valeur de la bonne photographie pour enregistrer les moments fugitifs de l’art. Et, aussi étrange cela soit-il, mon expérience de paparazzo m’a donné les compétences dont j’avais besoin pour créer un journal visuel de mes œuvres. L’université d’art m’a donné les compétences techniques pour faire des moules et des armatures, comprendre les matériaux, et considérer différemment l’espace ».

- Jason deCaires Taylor -

Voici d'autres réalisations de Jason deCaires Taylor, pour les feignants qui n'iront jamais chercher sur le net... si si... je sais qu'il y en a parmis vous...